De l’illusion à la clairvoyance, prévenir le désenchantement du travailleur humanitaire
Introduction
Dans ce monde vacillant, l’action humanitaire apparaît comme étant le symptôme d’une actualité -déjà bien avant la pandémie- marquée par les inégalités, la peur de l’autre et le repli sur soi occasionnant en réaction communautarisme, fanatisme, conflits et crises migratoires sans précédent. Mais n’en serait-elle pas également le remède ou comme son nom l’indique, l’ultime sursaut d’une humanité qui s’indigne et refuse d’assister passive et résignée au sacrifice de ses semblables tandis que le reste du monde vaque à ses occupations ? N’est-ce pas à la fois l’étendard de ceux qui veulent encore croire que la fraternité n’est pas qu’un vœu pieux mais aussi le dernier refuge pour tous les indignés de ce monde, où nourrir les valeurs qui les constituent et satisfaire le besoin de donner un sens à l’existence ?
Si tout cela est vrai, n’est-ce pas beaucoup demander à l’action humanitaire ? N’est-ce pas beaucoup en attendre pour ceux qui s’engagent dans cette voie ? Si ce sont bien les raisons qui les poussent à vouloir l’emprunter, quelle est finalement leur réalité de terrain ?
Le monde du travail évolue, on le questionne, on le réaménage. Après qu’on y ait vu l’Homme s’y aliéner au point d’y compromettre sa santé physique comme mentale, pour désormais prévenir ces risques psychosociaux, on tend à le rendre plus malléable, plus ergonomique, bienveillant, on y parle même de « Qualité de Vie » (QVT). Qu’en est-il du secteur humanitaire? S’il n’a cessé de se professionnaliser au cours des dernières années au point qu’on y fasse désormais « carrière », comment se fait-il qu’on peine encore à traiter de la question du bien-être de ses salariés comme si elle visait indécemment à faire oublier la misère de ceux qu’ils viennent secourir ? Faut-il réellement entrevoir l’un par rapport à l’autre? Faut-il impérativement s’oublier dans cet élan altruiste ? Faut-il souffrir pour être un bon praticien de l’aide ?
Après une expérience de quinze années dans le secteur humanitaire à des postes de gestion des ressources humaines en siège et sur le terrain, je suis devenue familière des fonctionnements organisationnels d’un certain type d’ONG (françaises, à taille moyenne, financées en grande partie par des fonds institutionnels) et j’ai été le témoin des mécanismes à l’œuvre dans la survenue du désenchantement. Garante du «bien-être» du personnel de par ma fonction RH, je n’ai pourtant pas toujours eu les moyens d’honorer cette responsabilité du fait de la culture du don de soi à l’œuvre dans le secteur. C’est de la somme de ce constat et de ma trajectoire personnelle qu’est née mon envie de pouvoir trouver une autre façon d’accompagner les travailleurs humanitaires dans leur épanouissement professionnel et dans la prévention de ce phénomène. Et c’est ainsi que j’en suis venue au coaching.
Le coaching est cet accompagnement qui vise la prise de recul et l’éveil de la conscience à l’individu en recherche de clairvoyance qui en est le sujet. Il offre ainsi une relecture des difficultés auxquelles celui-ci se sent confronté pour lui permettre d’être en harmonie avec son environnement ou alors d’en changer.
Alors, comment permettre aux travailleurs humanitaires de garder une certaine hauteur de vue en mission malgré une immersion totale dans ce qui devient à la fois leur cadre de vie et leur lieu de travail sans réelles frontières entre l’un et l’autre ? Comment rester maître de sa trajectoire dans un secteur qui tend à imposer des tracés en terme de gestion de carrière ? Comment se sonder même en temps de mission où l’on encourage plutôt l’oubli de soi? Comment questionner ses motivations tout au long de son parcours et évoluer « en conscience » plutôt qu’au gré des opportunités ? Comment, au retour de mission, retenir le meilleur de ces expériences même lorsqu’on en est déconnectés ?
En résumé, comment démystifier son environnement professionnel sans pour autant perdre ni son enthousiasme, ni sa motivation et ainsi prévenir la survenue du désenchantement ? Si chacun pourra trouver des réponses qui lui sont propres dans le cadre d’un accompagnement en coaching, j’offre ici quelques éléments de réflexion issus de mon mémoire de certification. En découle cette série d’articles que je m’apprête à publier. À cette fin, j’avais interviewé plusieurs anciens ou actuels travailleurs humanitaires que je citerai parfois ici, je les remercie encore une fois.
À suivre…