Le lien à soi

(De l’importance d’être son meilleur allié)

Sauriez-vous qualifier le type de relation que vous entretenez avec vous-mêmes ? Êtes-vous plutôt du genre à vous traiter aisément de tous les noms d’oiseaux, à systématiquement vous « bloquer le passage » ou bien êtes-vous compatissant à votre égard, toujours prêt à défendre vos arrières ? Je sais que de prime abord, la question peut sembler saugrenue car développer cette relation à soi ne coule pas de source, paradoxalement. Au contraire, la conscience de soi elle-même s’acquiert presque de manière accidentelle puisque n’étant ni quelque chose que l’on nous apprend à l’école ni même encouragée par nos sociétés qui visent plutôt à l’endormir (1)….

Par défaut, on a tous tendance à être particulièrement sévère avec soi-même, à se traiter d’une manière qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’infliger à un ami. Et pour peu que l’on se blâme de quelque chose, jusqu’à en prendre conscience et finalement « se pardonner », on s’autorisera difficilement à développer cet amour de soi pourtant si indispensable à l’existence. Enfin, si enfant, les injonctions à mieux se tenir, n’étaient pas toujours tendres, il faut imaginer que celles-ci sont devenues notre voix intérieure…

Pourtant, être « en bons termes » avec soi-même, c’est plus que nécessaire pour pouvoir affûter sa motivation car autrement, comment parvenir à quoi que ce soit sans encouragement et pourquoi surtout compter sur les autres pour le faire ?

C’est aussi être en mesure d’avoir de l’empathie à son égard, savoir donc être à l’écoute de ses envies et de ses besoins, cela à condition d’être prêt à tout entendre. Or, c’est là que parfois, il semblerait que nous préférions nous mentir plutôt que de tout nous dire et « voir les choses en face », ce qui impliquerait potentiellement de devoir prendre des mesures drastiques vers un changement de cap…

Alors voilà quatre aspects de la relation à soi que je voudrais aborder pour mettre en lumière certains écueils à éviter et les bonnes pratiques à acquérir :

  • L’inconfort

Si on manque d’estime de soi et de foi en son potentiel, on risque d’être « mal dans ses baskets » et on aura du mal à s’accepter tel que l’on est… On ira donc chercher auprès d’autrui ce que l’on n’est pas capable de se donner soi-même : attention et validation. Cela peut se manifester par un certain nombre de distorsions cognitives : tendance à tout prendre personnellement, pensée dichotomique (tout est tout noir ou tout blanc), victimisation… Et puisque c’est autrui qui estime notre valeur, celle-ci est donc fluctuante, selon les bons et les mauvais jours, en fonction de nos interactions. Alors, en plus de s’auto-saboter très souvent, on va se sanctionner par un self-talk assez malveillant

  • L’évitement de soi

 

Beaucoup plus fréquente est cette tendance à « se fuir ». On a tous vécu un moment de notre existence en mode « pilotage automatique », à se laisser porter sans trop réfléchir et à vrai dire, sans qu’on y prenne garde, la vie entière peut s’écouler ainsi : occupé par un boulot prenant, la vie de famille, un rythme effréné, les jours passent sans que l’on se questionne ou sans même prendre le temps de sonder notre état intérieur… L’évitement de soi, c’est être en total déconnexion avec ses émotions. Tout est fait pour les fuir, pour s’abrutir par l’hyperactivité et les distractions… Tout ce qui nous évite de trop penser est bienvenu, surtout les responsabilités. Ainsi coupé de notre intuition, on fait taire nos envies profondes pour honorer une vie qu’on a bâtie au gré des injonctions ou des opportunités et que l’on ne souhaite pas remettre en question…

  • L’auto-indulgence

 

Cela fera l’objet d’un article en soi, j’y reviendrai mais en résumé, disons que l’Homme est mué par la recherche de plaisirs… immédiats. Souvent, la tentation de se faire plaisir dans l’instant est bien plus forte que l’idée d’un quelconque bénéfice à long terme, même quand en réalité, notre bien-être en dépend. C’est sur cette opposition que repose la plupart de nos comportements d’auto-sabotage mais aussi la plupart de nos addictions.

On cherche une gratification immédiate parce qu’on pense qu’on ne l’a pas volé alors qu’un peu de discipline pourrait nous faire nous sentir bien mieux à « moyen terme » (parfois, dès le lendemain, en fait). Être auto-indulgent, c’est se complaire dans la satisfaction immédiate de toutes nos envies, c’est être trop conciliant avec soi-même dans le présent, se laisser « tout passer » ou presque au nom d’une récompense que l’on voudrait s’octroyer. Or, par ce geste d’apparence anodin, on a tendance à se nuire plutôt que de se rendre vraiment service…

  • L’auto-compassion

Car à l’inverse, l’auto-compassion, c’est le fait de prêter vraiment attention à soi et à son état intérieur. Vous êtes très certainement gentil et poli avec votre entourage, alors pourquoi ne pas vous adresser les mêmes égards ? Curieusement, être bienveillant avec soi-même sonne cheesy du fait des injonctions sociétales qui nous exhortent à être fort et combattif… Or, l’un n’empêche pas l’autre, bien au contraire. En réalité, c’est même l’inverse et c’est pour cette raison qu’il est si important de différencier auto-indulgence et auto-compassion car notre pouvoir réside en notre capacité à alimenter nos ressources et donc à prendre soin de nous-mêmes. Plus on va choisir de s’écouter et de répondre à nos besoins profonds, moins on aura besoin d’une récompense ou gratification immédiate potentiellement nuisible… Prendre soin de soi, c’est connaitre sa valeur et ne plus la « brader », c’est trouver du plaisir dans le « contrôle », c’est booster son sentiment d’efficacité personnelle et donc la motivation à faire les choses…

En résumé, sachez que ces aspects du lien à soi ne se substituent pas l’un à l’autre, ils peuvent même se cumuler. Tous, nous avons tendance à osciller entre l’un et l’autre selon notre humeur ou les épreuves de la vie. La relation à soi évolue avec l’âge, dans un sens ou dans l’autre selon que l’on apprend ou non à s’écouter…

Si je n’ai pas parlé de la haine de soi, bien qu’elle existe malheureusement, assez fréquente chez les adolescents et parfois encore présente chez certains adultes, c’est qu’elle ne relève pas de mon champ de compétences. Elle est caractérisée par un mal-être profond qui entraîne souvent de grandes difficultés dans la relation à l’autre et peut découler sur des comportements déviants. Elle peut être source de dépression. Elle doit faire l’objet d’un accompagnement thérapeutique.

À présent, observez l’attitude que vous avez à votre égard, portez attention à la manière dont vous vous parlez. Observez quand vous faites preuve de trop d’indulgence avec vous-même et demandez-vous pourquoi. À l’inverse, engagez-vous à prendre du temps pour vous pour faire ce qui vous fait du bien. Que pouvez-vous faire pour être plus compatissant à votre égard, plus à l’écoute de vos besoins profonds ? Certes quand l’on a d’autres personnes à charge, on sait que l’on peut encaisser soi-même ce que les autres ne laisseront pas passer, alors on fait passer les autres en priorité…

Il y a pourtant un équilibre à trouver car c’est là que se trouve la clef : vous avez le droit et le devoir de penser être votre priorité, de nourrir la source pour ne pas que le puits se tarisse, de vous traiter comme de l’or, rien de moins.

Vous serez bien plus utile aux autres une fois que vous aurez accepté de briller…

(1) Voir mon article Reprenons le pouvoir sur la question de notre libre-arbitre.

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