Sur le stress au travail

(Ou comment j’avais arrêté de respirer en lisant mes emails )

Vous êtes très certainement familier de l’apnée du sommeil et peut-être même que vous en souffrez mais avez-vous entendu parler de l’apnée… des emails?

Face à une menace, notre système nerveux sympathique active le mode « fight or flight » de notre organisme inondant notre cerveau d’une bonne dose d’adrénaline et de cortisol (aussi appelées hormones du stress), ce qui nous permet de nous mettre en alerte soit pour y faire face, soit pour l’éviter.

Fort utile à nos ancêtres, ce mécanisme nous est beaucoup moins nécessaire… en toutes circonstances. Pour autant, voilà qu’en vue d’une présentation orale ou d’un premier rendez-vous amoureux, notre organisme réagit de la même manière que si nous croisions le chemin d’un Grizzli.

Situations inédites, trac de performance, deadlines à respecter, tensions relationnelles, nombreuses sont les situations au travail qui mettent notre organisme en alerte. Hors, l’activation de la réponse « fight or flight » à mauvais escient peut être à l’origine de réactions émotionnelles disproportionnées, d’une part : c’est ce que Daniel Goleman 1 appelle la séquestration de l’amygdale ou comment notre système limbique et nos émotions nous prennent en otage en court-circuitant notre cerveau pensant. Face à un « trigger », il nous est impossible d’être objectif et rationnel, l’émotion nous submerge et nous empêche de réagir mesurément.

Et c’est d’autre part ainsi que s’installe le stress chronique qui fige notre organisme dans cet état « d’hypervigilance », nuisant ainsi à notre santé mentale comme à notre santé physique puisque le système sympathique ainsi activé en continu entraîne entre autres dommages de nombreuses inflammations.

Dans son livre Breath, the new science of a lost art,2 James Nestor pointe le fait que plus de 80% des personnes travaillant à un bureau souffrent de problèmes d’attention partielle, oeuvrant à une tâche puis l’autre, jonglant avec une douzaine d’onglets ouverts et autant de sollicitations… Cet état de « surstimulation » exalte notre système nerveux et notre respiration devient instable… voire même, elle peut s’arrêter. Cette sensation d’être « dans le jus » et de travailler en apnée n’est donc pas simplement métaphorique. Et le pire, c’est qu’on en redemande puisque paradoxalement, nous pouvons devenir « addicts » au travail ou à cette hyperagitation que ce soit pour l’adrénaline ou pour l’échappatoire qu’elle offre comme alternative au réel …

En ce qui me concerne, j’ai réalisé que je faisais bien partie de ces 80% de « plongeurs en écrans » et j’ai déjà pris quelques résolutions pour y remédier et pour auto-réguler mon système nerveux.

Voici comme de coutume quelque conseils pour vous aider à en faire de même :

> Mindfulness, observation & prise de conscience :

La première chose qui s’impose c’est de se regarder faire, revenir régulièrement à soi, retrouver cet état de présence plusieurs fois par jour d’abord puis plusieurs fois par heures. Il faut commencer par s’observer au travail : observer sa posture, sa respiration, les tensions dans le corps pour progressivement développer une autre façon d’être tout aussi concentré mais avec plus de détente. Dans l’importance de savoir « pauser », plus importe la qualité que la quantité : une minute par-ci, par là pour faire cet effort de sortir la tête de l’écran, pour cette reconnexion à soi, à l’environnement autour, écouter les bruits, noter les sensations…

> Breathwork, la respiration comme ancrage :

Si c’est la respiration qui nous alerte sur notre état et notre niveau de stress, c’est aussi elle qui nous permet d’en changer et de réactiver le mode parasympathique de notre système nerveux. Il y a pléthore d’exercices de respiration à intégrer à sa routine pour une meilleure gestion du stress (respiration au carré : inspiration sur 4 temps, pause sur 4 temps, expiration sur 4 temps, pause sur 4 temps ou 4-4-6-2; ou encore les exercices de Wim Hof 4  ou la cohérence cardiaque). L’avantage c’est que si vous avez du mal à vous bloquer du temps pour cela, vous pouvez commencer à le faire n’importe où, à commencer dans les files d’attente ou tous ces moments de l’existence où vous êtes « contraints » à attendre.

> Relâche du corps ou en prendre soin :

Toutes les pratiques physiques qui ne mettent pas l’organisme dans un état de stress sont bien sûr hautement recommandées : Yoga, Tai-chi, Qigong… Pour coupler exercices de respiration et pratique corporelle, vous pouvez également faire des séances de sophrologie auprès d’un praticien.

Enfin réincarner son corps et en prendre soin, ça passe aussi par le fait de veiller à son alimentation, la qualité de notre microbiote intestinal affectant notre système nerveux… Car tout est lié, nous sommes ce tout complexe et harmonieux.

> Relâche de l’esprit, être bien dans son corps pour être bien dans sa tête:

Et réciproquement. Il est important de veiller à ne pas avoir une charge mentale qui fait marcher notre esprit 24H/24. Le cerveau ne fait pas la différence entre vie pro et vie personnelle, le stress vient simplement s’ajouter au stress. Le self-care, ce n’est donc pas de l’auto-complaisance, mais un élan de préservation vital pour décharger son stress et pouvoir fonctionner sur le long terme… Quelles sont les activités que vous faites pour vous détendre en ne pensant à rien d’autre? (Attention, binger sur Netflix n’est pas une bonne réponse, voir mon article précédent sur les plaisirs).

> Pour les plus téméraires, vous pouvez essayer la douche froide, réputée pour stimuler le nerf vague. Sur le long terme, l’adaptation au froid ralentit l’activation du mode fight or flight et l’activité de notre système parasympathique augmente (voir là aussi les recommandations de Wim Hof 4).

Attention, il est important de noter que suite à un trauma, l’organisme reste bloqué en mode fight or flight ou état d’alerte maximale en permanence d’où la nécessité de voir un spécialiste pour pouvoir là aussi réguler le système nerveux….

Car, en résumé, rien ni personne ne nous condamne à craindre chaque instant comme si un ours allait nous dévorer. Si le stress est notre réponse normale à un danger, il convient de se demander si on ne pourrait pas développer en somme une autre façon de travailler… et de vivre plus serein et léger.


  1. L’intelligence émotionnelle, Daniel Goleman
  2. Breath, the new science of a lost art, James Nestor
  3. + How to fix bad breathing
  4. The Wim Hof Method, Wim Hof
  5. Wim Hof dans Soundtrue, owning your neurology
  6. Dr Andrew Huberman, episode on fear & traumas
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