Le pouvoir de la pensée (Ou comment et pourquoi penser “utile”)

La pensée… Quel curieux mécanisme que cet arsenal qui fait parler notre voix intérieure. Précieuse pour sa réactivité dés lors qu’il nous faut trouver l’inspiration pour répondre à une situation donnée, mais fort encombrante quand on ne l’a pas sonnée et pourtant si intarissable…

Il y a souvent un tel brouhaha dans notre tête, causé par la logorrhée d’une voix (ou même parfois plusieurs) qui telle la voix-off d’un film commente notre expérience de la vie du soir au matin. Elle met des mots sur nos états d’âmes (« ça ne va pas fort aujourd’hui »), elle questionne nos décisions, aussi bien en amont (« tu es sûr de toi ? ») qu’en aval (« je te l’avais bien dit »), elle évalue nos performances (« c’est vraiment nul ce que tu fais là! »), elle critique le moindre de nos faits et gestes (« mais qu’est-ce qui t’a pris de dire ça? ») et elle tend très souvent à nous déprécier en nous passant au crible de la tête aux pieds (« mais, c’est quoi ce bout de gras, là, tu ne vas pas pouvoir te mettre en maillot! »). Elle nous décourage, elle s’emporte, elle nous harcèle, elle nous donne des ordres (« tu dois travailler plus ! »), nous rappelle à l’ordre (« tu manges trop! ») ou fort inconsistante, se fait aussi parfois l’avocat du diable (« oh, un verre de plus, ça ne va pas te tuer »). Et elle n’est guère plus indulgente avec autrui ne se privant pas d’enfermer dans des cases quiconque croise notre chemin après un examen aussi hâtif que soi-disant approfondi (« pour qui elle se prend celle-là, tu as vu comment elle est sapée »).

Ainsi parle ce « je » pernicieux qui se fait passer pour le narrateur de notre histoire, observateur omniprésent et rarement bienveillant de notre existence. Mais comment peut-on être à ce point critique envers soi-même, comment peut-on avoir en nous un tel ennemi, comment cette voix peut-elle se réclamer de nous et nous mettre autant de battons dans les roues ?

En vérité, cette voix ne nous appartient pas ou du moins, pas complètement. Formée dans l’enfance, elle s’est élaborée, fonction du nombre et type d’injonctions et de réprimandes qu’on a reçues alors. Elle est la somme de nos croyances, nos conditionnements, notre éducation, puis de la façon dont on a interprété et rangé dans notre mémoire les épreuves de la vie, le goût qu’il nous reste de nos réussites et de nos échecs… On y a stocké aussi toutes les règles universelles ou jugements prophétiques et péremptoires nous ayant été adressés par tous les détracteurs croisés sur le chemin que, allez savoir pourquoi, l’on s’est appropriés (pour ma part, j’ai cru longtemps devoir donner raison à cette prof acariâtre qui me dit jadis « Corinne, vous n’arriverez à rien dans la vie »). Puis, la vie m’a prise par surprise et emportée sur d’autres chemins, me donnant à voir une autre version de moi-même que celle qu’on m’a longtemps renvoyée et dans laquelle, je me complaisais…

C’est lorsque j’ai commencé à méditer que j’ai réellement compris ce mécanisme de la pensée et mesuré la portée particulièrement néfaste de cette voix intérieure. C’est très précisément cela le but de la méditation : A force de prendre le temps de « taire le mental », de regarder les pensées nous traverser et de nous en détacher, on prend le pli de ne plus systématiquement se les approprier. Alors, certes, au départ, cela entraîne une sorte de dialogue halluciné, ajoutant au vacarme intérieur la voix bienveillante de notre moi conscient, notre moi authentique, bien décidé désormais à ne plus se laisser faire et à contredire cette voix démoniaque (« je suis vraiment nulle » s’entend rétorquer alors, « non, ça alors, je fais vraiment de mon mieux, j’ai le mérite d’essayer, j’ai beaucoup de talents… ») jusqu’à progressivement neutraliser certains automatismes qui ne surgissent plus jamais et d’autres, beaucoup moins souvent.

Car c’est ainsi qu’on rééduque cette voix intérieure en en faisant progressivement un allié. Parce que si l’on admet être traversé en moyenne par 60 000 à 80 000 pensées par jour comme on peut le lire sur le web, imaginez combien ce que l’on pense a un impact sur notre existence, imaginez comme ce verbiage stérile peut-être paralysant… Nos pensées sont à l’origine de nos états émotionnels et c’est la façon dont on se sent qui donne une teinte à notre vie, soit l’ornementant d’une large palette de couleurs ou nous la donnant à voir en monochrome… Car si je pense toute la journée que je suis nulle, il y a très peu de chances que je me sente bien et que j’aborde la vie avec gaieté, prête à la croquer avec entrain et à prendre de nouveaux chemins. A l’inverse, imaginez quelle tournure prendrait votre vie si vous mettiez désormais ce mécanisme à votre service… Ou comment penser utile pour défendre votre potentiel et semer vos envies.

Alors, comment reprendre contrôle sur cette voix intérieure, comment la dompter et l’exhorter à nous interpeller avec bienveillance et à changer de regard sur notre expérience? La méditation est définitivement la voix royale pour faire ce travail mais l’on peut également commencer à observer ce mécanisme à tout moment. Commencez par noter toutes les pensées négatives récurrentes qui surgissent dans votre esprit et vous polluent. Apres avoir fait ce travail sur une journée ou même plusieurs, prenez un temps pour observer tout ce que vous avez noté: en les relisant ainsi, que ressentez-vous ? Pourriez-vous les regrouper par catégories ? Y en a t-il par exemple qui sont liées à votre peur d’échouer, d’autres à votre peur de manquer, d’autres enfin à votre peur du changement ? Y en a-t-il qui portent sur le regard que vous portez sur votre image ? Y en-a-t-il qui vous viennent d’un parent ou de quelqu’un de votre entourage ou de l’environnement dans lequel vous avez évolué ? Pourriez-vous enfin pour chacune, lui trouver une pensée de substitution, que pourriez-vous vous dire à la place ? Tâchez à chaque fois que cette pensée négative survient de la remplacer par cette affirmation positive.

Ainsi, progressivement, allez-vous transformer votre mental pour qu’il devienne votre plus précieux allié. Et même si cela ne se fait pas du jour au lendemain, c’est un voyage dans les méandres de votre esprit aussi nécessaire que très vite profitable… Car ainsi libéré de votre détracteur intérieur, vous verrez alors que vous commencerez à voler.

 

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